L’auteur autopsié: Débats des philosophes dʼart sur l’intention de l’auteur

SATO Noriko

doi:10.15017/7159238

Il y a une sorte d’antipathie pour le postmodernisme, chose déconcertante, parmi les philosophes d’art anglo-saxons. Ils refusent d’accepter la pensée de « la mort de l’auteur » et ils discutent vivement la relation de l’intention de l’auteur et la pertinence de l’interpretation littéraire. Dans cet article, je vais présenter une petite partie de ces débats et les examiner de plus près. / Parmi ces philosophes d’art, il y a les « intentionalistes hypothétiques », dont Jerrold Levinson. Il soutient qu’on peut formuler l’intention de l’auteur hypothétiquement à partir des données personnelles, historiques ou documentaires (il appelle ça « l’intention catégorielle ») au lieu de reconstituer l’intention de l’auteur réellement vécu (« l’intention sémantique »), et qu’avec cette hypothèse «le lecteur approprié» parviendra à donner une interprétation pertinente de l’oeuvre. Un autre philosophe, Stephen Davies, suggère « la théorie maximisant de valeur » pour sa part. De même que l’intentionalisme hypothétique, la théorie de Davies ne vise pas forcément à suivre l’intention de l’auteur réel mais cette fois il s’agit de maximiser la mérite ou la valeur qu’on pourrait atteindre à travers l’interprétation. Il faut remarquer que pour lui il importe non seulement la valeur maximisée qualitativement mais aussi la valeur maximisée quantitativement: il admet que des plusieurs interprétations coexistent simultanément et il mentionne même la possibilité que l’interprétation faite suivant l’intention du lecteur surpasse en valeur celle de l’auteur. Comme ça, l’argument de Davies renferme en soi le germe qui pourrait se révolter contre lui-même : sa théorie nous semble s’approcher du postmodernisme sans le savoir car «la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur», selon Barthes. / De nos jours, une autre menace est en train de surgir pour l’auteur, qui a été une fois sauvé de la mort par les philosophes anglo-saxons: l’intelligence artificielle pourra générer des oeuvres littéraires sans aucune intention. Il est à nouveau en péril de mourir et de subir une autopsie.

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